Le monde-off de Perry Wyncle - Le concert des Junkyard Liberty
J'y suis allé avec deux potes, Sahara et Taoui, parce que justement, c'était le concert des Junkyard au Psychedelic Rock Show. Ma semaine a été longue, les journées se finissent tard dans la b.u. et commencent tôt dans les amphis. On est à Caen, samedi soir, j'arrête de bosser bordel je suis libre, et je suis dehors. Je retrouve Sahara et Taoui, on y va ensemble, à pieds-libres. On contourne le château, on arrive au port, puis le pont et là putain y'a des travaux, on traverse un terrain vague, Taoui est en talon c'est galère. On arrive au bout, la route, et au milieu de ce nul part dans la ville, la salle.
Sahara me dit que ça fait vraiment underground, qu'on dirait Londres un peu. Je vois des trottoirs défoncés, de la terre, des déchets. Un dépotoir. On arrive au guichet, je paie les trois places les filles n'ont pas de fric. On entre. Il y a du monde. C'est les Junkyard Liberty qui donnent. Dans la musique, dans la couleur.
On se rapproche de la scène, les corps sont serrés, on respire dans l'atmosphère de la foule. Sahara s'allume une clope, Taoui aussi. La musique, ça faisait si longtemps que j'avais oublié. Je me souviens ; les premières fois que j'ai vu la Musique. C'était en Allemagne, dans des soirées boueuses, je me souviens du sentiment malgré la fatigue et le mal aux pieds, la joie intérieur. C'est du rock psychédélique, ce que j'ai toujours regardé avec un regard suspicieux sur le mot psychédélique. En fait, je m'en fou de ce que l'on m'a dit que c'était, c'est bon bordel.
Sur scène ils paraissent immortels, leurs noms sont connus et ils sont : David, l'homme à l'aspect rugueux qui chante pour nous après avoir tourné longtemps avec les Telescopes dans sa jeunesse, Manon et son chapeau, elle a la voix des indiens mystiques. Derrière eux, éblouis mais joyeux, il y a Barclay, le batteur tatoué impressionnant, une sorte de menhir énervé et central, à sa droite Lucie joue le violon et le sentiment, Louis assure la gratte rythmique en équilibre avec le côté opposé de la scène où Alban est en solo déchirant, soutenu par Mathis et sa basse placée. C'est hypnotisant. J'adore. C'est la musique des grands espaces sauvages, des chevaux galopant avec sur leurs dos des putains de hippies chantant cherchant la liberté, le ciel est sombre mais il ne pleure pas, la lumière perce entre les nuages et dans les cœurs, dans ma tête.
Le groupe s'en va, il est rappelé, ils reviennent. On applaudit. Un dernier morceau, on se dit au revoir. La salle se vide un peu, en attendant le deuxième groupe de la soirée. Je me rends compte qu'il n'y a pas de sécurité. Pas de mecs armés pour protéger l'état d'urgence. Peut-être parce qu'il n'y a pas de violence.
C'est curieux, hein. Qu'un monde se ballade, comme ça, sous la lune, souvent dans l'ombre parmi les déchets du monde vrai et ordonné, ordonnant. Lui pourtant est en paix dans l'obscurité, sans lois autres que les individus et un peu d'amour. L'underground, me dit Sahara.
Dans cette salle s'est animée ce soir-là une chose que j'ai ressentie comme infiniment plus précieuse que les armes des militaires et les bombes de la guerre, le sentiment d'être heureux et de ne rien vouloir d'autre que ça continue. Et ils continueront. Keep on' !