Odessa la nuit
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La faille
Après notre rendez-vous pas très galant, on reprit la route sur directive de Viktor avec notre nouvelle nounou Volgograd, très probablement un brave type mais pas très jovial. De Grigoriopol, on prenait la direction vers Slobozia, toujours en Moldavie, près de la frontière Ukrainienne mais plus au Sud. C'était toujours le même décor : étendue de champs à perte de vue , sentiers sinueux, tapis de cailloux pour certains du siècle dernier, quelques charrettes et paysans épuisés de leur journée de dur labeur.
On a commencé à tuer le temps une demi-heure avant d'arriver à destination. Nous voulûmes en savoir plus sur notre cible : qui était-elle ? Qu'allait-on en faire ? On l'avait dénommé Mogadiscio, on ne savait rien de lui ni de sa vie personnelle, ni ce qu'il avait fait pour finir dans notre Bingo Book.
On savait seulement où le dénicher, par l'intermédiaire de Volgograd. Après le briefing vinrent les choses sérieuses. A priori ce qu'on nous demandait était faisable mais requérait également notre plus grande vigilance. En effet, notre proie se trouvait dans un lieu de restauration rapide typiquement rural et, à l'intérieur, se trouvait au moins une dizaine de clients. Les dommages collatéraux, nous faisions tout pour les éviter, mais avec la pression exercée par Viktor et son superviseur, on n'avait pas le choix d'être précis voire chirurgical dans nos méthodes.
Puis Minsk avait mis en avant une idée qu'on avait déjà eu auparavant, enfumer l'endroit et frapper précisément - on l'avait déjà fait pour le malfamé Grozny - appliquer ce genre de méthode engendrait des risques de similarités. Cela menait à des pistes, le contrôle de notre environnement passait par un contrôle absolu de ce qu'on fait pendant nos exécutions, avant tout. Laisser des preuves pouvait mener Interpol ou autres agences de sécurité à lier l'événement actuel à celui de Paris.
Le temps s'écoulait, notre attention se dirigeait depuis notre véhicule vers la cible entourée de quatre autres personnes, sans doute des compagnons. On trancha pour savoir quelle méthode convenait le mieux à cette situation pendant que Volgograd, lui, restait silencieux. Il observait notre manière de planifier, lui aussi était une pression. Indirectement il nous poussait à prendre la solution la plus rapide et dangereuse, ce que j'approuvais pas silencieusement, à ce moment-là.
Une dizaine de minutes plus tard , Koursk s'était mis en tête que la méthode appliquée à Paris contre Grozny était la meilleure, qu'on ne risquait rien, que ce lieu était un trou perdu, que personne ne ferait le lien. Devant Volgograd on affirmait que c'était la méthode de la girafe, il ne savait sûrement rien de quelle méthode nous parlions.
Fin de la discussion. On s'était rapidement mis d'accord, on allait procéder rapidement et sans erreur même si les équipement étaient restreints, en terme de quantité. Minsk ouvrit la marche, s'introduisit à l'intérieur du bâtiment discrètement et déclenche un incendie. La fumée était épaisse et s'étendit à une vitesse fulgurante jusque dans la salle commune du restaurantcafé. La foule évacua, sans accès de panique, le lieu enfumé. Koursk, lui, à visage découvert dans la petite foule, suivait de près notre cible qui se dirigeait vers l'air frais avec sa petite bande. Au signal de Minsk, Koursk devait exploser un fumigène sur la cible. A partir de là, tout irait très vite. Volgograd et moi, à visage masqué, nous devrions avancer vers eux et selon le plan initial, en finirions avec Mogadiscio et ses partenaires à ma façon.
Lorsque Koursk déclencha le signal avec le fumigène, on se lança, marche droite et rapide, cagoule sur le visage, pistolet de poing dans la main droite j'avançais avec confiance et puissance, je ne quittais pas ma cible des yeux, à distance convenable. Je levais ma main droite vers leur direction, visais et tirais cinq coups précis et nets en direction de la tête. Ils chutèrent tels des pantins désarticulés, tous, sans exception. Je tirais une dernière fois, cette foisci, dans le cou de Mogadiscio. Il ne se relèvera pas.
Dans la précipitation, nous rejoignîmes Koursk et Minsk. La foule avait entendu les coups de feu mais les fumigènes dissimulaient intensément la zone de carnage. Les badauds s'étaient écartés, se demandant ce qui se passait, et ne soupçonnaient pas la scène qui s'était dévoilée il y a quelques instants. Au même moment, nous débriffions à proximité du café, cachés sous la fumée du fumigène. Prêts à partir. Lorsque Volgograd se débarrassa de sa cagoule et nous regarda fixement, il se mit à esquisser un drôle de sourire. A ce sourire, j'ai deviné qu'il avait découvert quelque chose qui nous avait tous échappé, comme la sensation que l'on a lorsque l'on apprend que l'on a été piégé, manipulé. Il vous regarde avec confiance et glisse un petit sourire satisfait, les commissures de ses lèvres se relevant à peine, esquissant un rictus. Un sourire glacial, calculateur, toxique.
On avait commis une erreur, pendant ce millième de seconde, j'étais dans la peau d'un enfant qui s'est fait avoir en plein flagrant délit de vol par ses parents. Il n'y avait pas de solution dans l'immédiat pour se justifier ou fuir la sanction qui nous attendait. Cependant, une idée me vint face à Volgograd. Mon esprit l'avait créé sans réfléchir des heures durant et précipitamment mais calmement, j'ai pointé mon arme sur son visage et j'ai tiré a bout portant, avec concentration.
J'ai ouvert une faille
Cascyne